16 Déc Abus de confiance et escroquerie
ABUS DE CONFIANCE ET ESCROQUERIE, QUELLE DIFFERENCE ?
Les infractions d’abus de confiance et d’escroquerie, portant atteinte aux biens, peuvent se ressembler et être confondues par les justiciables.
Il s’agit en réalité de deux infractions bien distinctes, aux enjeux différents.
La question est de savoir comment se différencient ces deux infractions ?
- L’abus de confiance
L’abus de confiance tout d’abord est définie par l’article 314-1 du Code pénal comme :
« le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé ».
En ce qui concerne les éléments matériels, l’abus de confiance nécessite plusieurs éléments :
- La remise de fonds, valeurs ou biens ;
- Un détournement de leur destination (un usage déterminé, une représentation ou une restitution) ;
- Un préjudice qui résulte de ce détournement.
Un agent A doit donc avoir remis des fonds, valeurs ou biens à un agent B qui devait les rendre ou en faire un usage déterminé, or parce qu’il ne l’a pas fait, il a créé un préjudice à l’agent A.
En ce qui concerne l’élément moral, celui qui s’est vu remettre des fonds, valeurs ou biens doit les avoir détournés avec une intention frauduleuse.
Il a donc la volonté consciente de contrevenir aux droits du propriétaire légitime des biens.
- L’escroquerie
L’escroquerie est quant à elle définie par l’article 313-1 du Code pénal comme :
« le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ».
En ce qui concerne les éléments matériels, l’escroquerie est caractérisée dès lors que sont réunis les éléments suivants :
- L’abus de qualité ou de faux nom ou l’emploi de manœuvres frauduleuses ;
- Le caractère trompeur de ces moyens ;
- La remise de fonds, valeurs ou biens ou la fourniture d’un service ou d’un acte par l’utilisation de ces moyens ;
- Un préjudice pour la personne trompée.
Un agent A doit donc avoir trompé un agent B dans l’unique but que ce dernier lui remette des biens ou lui fournisse un service. Ces manœuvres doivent également avoir engendré un préjudice pour l’agent A.
En ce qui concerne l’élément moral, celui qui aura trompé doit l’avoir fait avec une intention frauduleuse.
Il convient de noter que la négligence ou l’absence de précautions ne suffisent pas à caractériser l’intention frauduleuse.
- Une confusion liée aux similitudes entre ces infractions
Ces deux infractions peuvent être confondues par les justiciables, car elles comportent des similitudes.
La première étant que ces infractions ont pour objectif de protéger la propriété de chacun.
Il s’agit en effet dans les deux cas d’un bien matériel ou immatériel, propriété d’un individu, qui perd ses droits de propriété dessus en raison de l’action d’un autre individu.
Leur similitude tient également au fait que, contrairement au vol, le bien a été remis par le propriétaire à un individu.
Le propriétaire doit ainsi avoir confié sa propriété.
- Des infractions toutefois tout à fait distinctes
Il faut noter que ces infractions exigent toutefois des conditions bien distinctes, réprimant des comportements en réalité différents.
Comme énoncé, l’abus de confiance peut débuter sur une relation saine, mais par le détournement du bien qui aura lieu postérieurement à la remise, la relation est entachée et l’infraction est constituée.
Cette solution a été retenue très tôt par les magistrats, comme le démontre l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 12 juin 1978 (n°76-91.932).
Il est important de noter que le simple retard dans la remise ne constitue pas un détournement au sens de l’article 314-1 du Code pénal, car il faut réellement la volonté de détourner le bien au préjudice d’autrui (cass. crim., 2 mars 1994, n°93-82.232).
L’escroquerie quant à elle trouve son fondement dans une relation biaisée dès le départ. C’est par les manœuvres d’un individu que le propriétaire sera amené à remettre le bien.
En effet, la chambre criminelle de la Cour de cassation l’a rappelé à de nombreuses reprises, et notamment le 3 novembre 1994 (n°93-83.491), la remise est nécessairement postérieure aux manouvres frauduleuses.
L’un des exemples emblématiques de l’infraction d’escroquerie est l’escroquerie à la TVA. En l’espèce, il s’agissait pour les délinquants de créer un circuit fictif composé de fausses factures justifiant des demandes de versement de la TVA sous couvert d’une comptabilité inexacte, constitutif de manœuvres frauduleuses (pour exemple, cass. crim., 14 novembre 2007, n°07-83.208).
Bien que les peines soient similaires (5 ans d’emprisonnement délictuel et 375 000 euros d’amende), l’intention initiale n’est donc pas la même.
L’escroquerie implique une volonté préalable de tromper le propriétaire, ce qui a justifié que la peine soit supérieure à celle de l’abus de confiance durant plusieurs années.
En effet, avant la loi n°2020-1672 du 24 décembre 2020, l’abus de confiance était puni de 3 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende, soit deux années de moins que l’escroquerie.
Cette modification de la peine a été réalisée en conformité avec l’ordonnance n° 2019-963 du 18 septembre 2019 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne au moyen du droit pénal, démontrant la volonté croissante de réprimer les infractions aux biens et plus précisément les fraudes portant atteinte aux intérêts de l’Etat et de l’Union européenne.