CITATION DIRECTE : LA REQUALIFICATION AU REGARD DE FAITS ABSENTS DE LA CITATION NECESSITE L’ACCORD DU PREVENU

CITATION DIRECTE : LA REQUALIFICATION AU REGARD DE FAITS ABSENTS DE LA CITATION NECESSITE L’ACCORD DU PREVENU

 

LA COUR DE CASSATION A PU JUGER, EN JANVIER 2023, QUE LE PREVENU DOIT EXPRESSEMENT DONNER SON ACCORD AUX POURSUITES OU A LA REQUALIFICATION DE L’INFRACTION BASEES SUR DES FAITS ABSENTS DE LA CITATION DIRECTE

Cour de cassation, chambre criminelle, 10 janvier 2023, n°20-85.968

 

En cas d’absence de poursuite de faits de nature pénale par le Ministère public, la victime a la possibilité de faire citer une personne devant le Tribunal correctionnel par la voie de la citation directe.

Cette procédure répond à des conditions de forme, et doit notamment mentionner les faits poursuivis et les textes légaux les réprimant (Article 551 du Code de procédure pénale).

Le juge est dès lors tenu par les faits reprochés et peut leur redonner leur qualification exacte.

La question s’est posée de savoir si le juge peut opérer cette requalification au regard de faits non compris dans les poursuites.

La Cour de cassation a jugé que :

« s’il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c’est à la condition de n’y rien ajouter ou de ne pas substituer des faits distincts à ceux de la prévention, sauf acceptation expresse par le prévenu d’être jugé sur des faits et circonstances non compris dans la poursuite ».

En l’espèce, le prévenu était cité pour des faits de menaces de mort réitérées en récidive, ces faits étant punis de 3 ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende (Article 222-17 du Code pénal).

Les juges de première instance et de la Cour d’appel prenaient en compte des faits non poursuivis dans la citation, à savoir :

« la nature des violences préconisées dans les propos que le prévenu reconnaît avoir tenus, par le nombre et la qualité des personnes visées, les faits énumérés dans la prévention constituent une incitation directe à commettre des actes causant un grave trouble à l’ordre public, par l’intimidation ou la terreur, pour faire taire des personnes avec lesquelles il y a désaccord, précisant que seule importe la volonté d’atteindre le maximum de personnes par le biais des réseaux sociaux et de provoquer des réactions des internautes (…) la demande expresse faite en public, par M. [B], de filmer les actes de violence ainsi préconisés, et de les diffuser sur internet, participe directement à l’objectif d’intimidation et de terreur au sein du public ».

Sur le fondement de ces nouveaux faits, ils décidaient de requalifier les faits de menaces de mort réitérées en provocations directes à des actes de terrorisme, aggravées par l’utilisation de communication au public en ligne, punies d’une peine de 7 ans d’emprisonnement et 100.000 euros d’amende (article 421-2-5 du Code pénal).

La Cour de cassation jugeait que les faits ainsi listés ne faisaient pas partie de la citation et n’étaient dès lors pas poursuivis.

Plus encore, elle déclarait que le prévenu avait accepté la requalification des faits de menace en délit de provocation à commettre un crime ou un délit, mais il n’avait pas accepté la requalification des faits en provocation directe à des actes de terrorisme, aggravées par l’utilisation de communication au public en ligne.

Dès lors, les juges ne pouvaient le déclarer coupable pour provocation directe à des actes de terrorisme.

L’obligation d’obtenir l’acceptation du prévenu se comprend notamment au regard des peines encourues, doublées dans le cas d’espèce, mais également par la nature de la qualification qui sera inscrite dans le casier judiciaire.

La Cour de cassation a dès lors cassé l’arrêt de la Cour d’appel et renvoyait l’affaire pour être de nouveau jugée.