09 Déc PRESCRIPTION / LES CHANGEMENTS AUX DELAIS DE PRESCRIPTION EN MATIERE DE DELITS ET CRIMES
Comment s’y retrouver dans les délais de prescription après la loi du 27 février 2017 ?
Il existe différents délais de prescription : le délai en matière d’action publique (a) et le délai qui concerne l’exécution de la peine (b). A chaque règle son exception, des délais dérogatoires sont également prévus (c).
L’existence d’une prescription a plusieurs raisons.
Le droit considère que la société a un droit à l’oubli. En effet, plus le temps passe, plus il existe une impossibilité technique d’établir des preuves. De plus, le système judiciaire serait profondément inefficace si toutes les infractions étaient imprescriptibles.
L’intervention du législateur au mois de février 2017 nécessite quelques clarifications.
a. Les délais de prescription en matière d’action pénale
La loi du 27 février 2017 vient allonger les délais en matière délictuelle et criminelle.
> En effet, l’article 7 du Code de procédure pénale prévoit que « L’action publique des crimes se prescrit par vingt années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise ».
> Puis, l’article 8 du Code de procédure pénale dispose que « L’action publique des délits se prescrit par six années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise ».
> Les contraventions sont toujours prescrites après le délai d’un an.
- Afin de déterminer le délai de prescription, il est nécessaire de pouvoir déterminer le point de départ de celui ci.
En principe, le délai court à compter du jour de la commission de l’infraction.
Cependant, il existe différentes catégories d’infractions :
> Les infractions instantanées qui sont commises en un seul acte,
> Les infractions continues qui durent dans le temps,
> Les infractions d’habitudes qui sont constituées par la répétition d’au moins deux actes.
En général, la jurisprudence a admis que le point de départ du délai est le jour de la commission du dernier acte infractionnel.
Pour cela, il faudrait que l’infraction puisse être valablement constatée.
Ainsi, il existe des infractions dites occultes ou dissimulées qui sont dérogatoires.
Ces dernières sont définies comme étant celles qui ne peuvent pas être connues soit de l’autorité publique, soit de la victime. Mais encore, celles dont « l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte ». (Article 9-1 Code de procédure pénale)
Dans le cas d’une infraction occulte, le délai de prescription pour les délits est de 12 ans et pour les crimes de 30 ans.
- Certains actes interrompent le délai de prescription
Les actes interruptifs permettent d’effacer le temps écoulé pour revenir au délai initial.
L’article 9-2 du Code de procédure pénale prévoit les actes qui interrompent le délai de prescription.
Ainsi, sont des actes interruptifs :
> Le réquisitoire du ministère public
> La demande d’ouverture d’une information
> La requête de placement sous contrôle judiciaire ou mise en détention provisoire
> La plainte avec constitution de partie civile
> La comparution volontaire, la citation, la convocation par procès-verbal, la comparution immédiate
> Les réquisitions aux fins d’enquête (en matière de presse)
> Tout acte tendant à rechercher et à poursuivre l’auteur d’une infraction pénale notamment les actes d’enquête ou d’instruction
> Tout jugement ou arrêt s’il ne comporte pas de nullité
Certains actes ne sont pas interruptifs contrairement à ce qu’on peut penser.
C’est le cas du classement sans suite d’une affaire qui ne constitue pas un acte interruptif de prescription.
Dans le même sens, depuis le 11 juillet 2012 (Cass, crim.,, n°11-87583), la plainte simple adressée au procureur de la République n’interrompt pas la prescription.
- Certains actes suspendent le délai de prescription
Le délai de prescription est dit suspendu dans la mesure où un obstacle de droit ou de fait empêche d’exercer des poursuites. Toutefois, la suspension n’implique pas l’effacement du délai déjà acquis.
Par exemple, les infractions occultes engendrent la suspension du délai de prescription.
- Qu’en est il des actes commis avant la loi du 27 février 2017 ?
La loi du 27 février 2017 est entrée en vigueur le 1ermars 2017, elle est d’application immédiate.
Autrement dit, si une infraction a été commise et qu’elle était prescrite avant l’entrée en vigueur de cette loi, alors les nouveaux délais de prescription ne s’appliquent pas.
1erexemple : Imaginons des faits de violences (délit) commis au mois de janvier 2013. Ce délit étant définitivement prescrit au mois de janvier 2016 (dans le cas où aucunes poursuites pénales n’auraient été engagées entre 2013 et 2016), les dispositions de la loi de février 2017 ne lui sont pas applicables.
Cependant si, l’infraction commise n’est pas prescrite avant le 1ermars 2017 alors ce sont les nouveaux délais qui sont applicables.
2èmeexemple : Un meurtre est commis en mars 2015. À cette date, la prescription de l’action pénale est de 10 ans. Dès lors, ce crime n’est pas prescrit au mois de mars 2017.
Aussi, l’action de ce crime ne sera pas prescrite en 2025 mais bien en mars 2035.
- Les infractions ayant un délai de prescription dérogatoire
> Les délais dérogatoires pour les personnes mineures
Certaines infractions connaissent un délai de prescription différent, c’est le cas des infractions commises sur les mineurs.
Lorsqu’un individu mineur est victime d’un délit ou d’un crime, le délai de prescription commence à courir à partir de sa majorité, soit à l’âge de 18 ans.
Par exemple, d’après l’article 7 du Code de procédure pénale, certains crimes se prescrivent après 30 ans :
– Le meurtre ou l’assassinat
– Les tortures ou actes de barbaries
– Le viol
Ainsi, paradoxalement au regard des peines encourues, l’assassinat d’une personne mineure se prescrira 30 ans après la commission des faits mais le viol sur une personne mineure se prescrira 30 ans après la majorité de la victime.
De la même manière, d’après l’article 8 du Code de procédure pénale, certains délits se prescrivent après 10 ans:
– Traite des êtres humains
– Le proxénétisme
– Le recours à la prostitution
– La corruption
– La proposition sexuelle[1]par un majeur
– La pédopornographie
-L’incitation à se soumettre à une mutilation sexuelle
D’autres se prescrivent après 20 ans révolus, c’est le cas :
-Des violences ayant entrainé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours
-Des agressions sexuelles[2]autre que le viol
> Les délais dérogatoires pour les personnes majeures
Selon l’article 7 du Code de procédure pénale, certains crimes se prescrivent par 30 années révolues, c’est le cas pour :
-Les actes de terrorisme
-Le trafic de stupéfiants commis en bande organisée
-Le blanchiment d’argent issu de l’infraction ci-dessus
-L’eugénisme
-Le clonage reproductif
-Les actes commis en vue d’une disparition forcée
-Les infractions concernant les armes nucléaires, biologiques ou chimiques
-La divulgation d’informations d’intérêts fondamentaux à un autre Etat
Selon l’article 8 du Code de procédure pénale, certains délits se prescrivent après 20 années révolues :
-La contrebande
-La participation à une association de malfaiteurs
-La prolifération d’armes de destruction massive
-Les délits en relation avec le terrorisme
b. Le délai de prescription en matière d’exécution de la peine
Au même titre que la possibilité d’engager des poursuites contre un individu, une fois qu’une condamnation est prononcée définitivement, il existe alors un délai de prescription qui court pour ce qui concerne l’exécution de la peine.
> En effet, l’article 133-4 du Code pénal prévoit que le délai de prescription pour l’exécution d’une peine concernant une contravention est de 3 années à compter de la date où la condamnation est définitive.
> L’article 133-3 du Code pénal prévoit que le délai de prescription d’une peine concernant un délit est de 6 ans.
> L’article 133-2 du Code pénal prévoit que le délai de prescription d’une peine concernant un crime est de 20 ans à compter de la date où la condamnation est définitive.
Néanmoins, même si la peine est prescrite, certaines conséquences perdurent.
Par exemple, chaque personne condamnée pour la commission d’une infraction aura une inscription sur son casier judiciaire, peu importe qu’elle ai exécutée ou non sa peine.
Par conséquent, d’après les articles 132-9 et suivants de Code pénal, en cas de récidive, les précédentes infractions seront tout de même prises en compte.
- Les actes interruptifs de la prescription de la peine
De la même manière, certains actes peuvent interrompre le délai pour l’exécution de la peine.
L’article 707-1 du Code de procédure pénale prévoit que « La prescription de la peine est interrompue par les actes ou décisions du ministère public, des juridictions de l’application des peines et, pour les peines d’amende ou de confiscation relevant de leur compétence, du Trésor ou de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, qui tendent à son exécution. »
Ainsi, il s’avère que tout acte visant à la bonne exécution de la peine interrompt le délai de prescription.
c. L’existence de délais dérogatoires à la prescription
- En matière d’action publique : quels sont-ils ?
– Les délais de prescription en droit de la presse sont plus courts, le délai est de 3 mois en principe (certaines infractions se prescrivent après un an, c’est le cas des injures discriminatoires par exemple).
– Les délais sont plus longs pour certains crimes. Par exemple : le terrorisme, le trafic de stupéfiants en bande organisée ou le clonage sont prescrits après 30 ans.
-Certains délits comportent une durée de prescription plus longue notamment, les délits commis sur des mineurs.
-Le crime contre l’humanité est le seul à être imprescriptible.
- En matière d’exécution de la peine : quels sont-ils ?
-Pour certains crimes, le délai est de 30 ans à compter de la décision définitive de condamnation. C’est le cas par exemple, des crimes contre l’espèce humaine, les crimes relatifs au trafic de stupéfiants et les crimes de guerre.
– Pour certains délits, le délai est de 20 ans à compter de la décision définitive de condamnation. C’est le cas par exemple, des délits relatifs au trafic de stupéfiants ou aux délits de guerre.
[1]La proposition sexuelle est définit par la suggestion d’une personne majeure d’avoir une relation sexuelle avec un mineur de quinze ans.
[2]L’agression sexuelle est constituée par tout acte sexuel autre que la pénétration lorsqu’il est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise.
[3]L’atteinte sexuelle est caractérisée par tout acte sexuel sur un mineur de quinze ans même si celui ci était consentant.