ETRANGER / Le refus d’appliquer la mesure d’éloignement

ETRANGER / Le refus d’appliquer la mesure d’éloignement

Dans quelles conditions un étranger s’étant opposé à une mesure d’éloignement du territoire français peut-il être condamné ?

Les étrangers ne détenant pas un titre de séjour valide ou représentant une menace pour l’ordre public peuvent se voir appliquer différentes mesures d’éloignement.

Parmi ces mesures se trouvent :

l’Obligation de quitter le territoire français : il s’agit d’une mesure administrative prise par le Préfet, obligeant un étranger en situation irrégulière à quitter le territoire par ces propres moyens dans un délai de 30 jours (ou sans délai),

l’Expulsion : il s’agit d’une mesure administrative prise par le Préfet ou le Ministre de l’Intérieur, visant à obliger un étranger, représentant une menace pour l’ordre public ou en cas d’urgence, à quitter le territoire, par la force si nécessaire,

l’Interdiction du territoire français : il s’agit d’une peine pénale appliquée à titre principale ou complémentaire, prise contre un étranger ayant commis un crime ou un délit,

-la Remise à la frontière : cette mesure administrative est une reconduite à la frontière et oblige l’étranger à se rendre dans un autre Etat européen, l’étranger étant remis directement aux autorités étrangères.

 

L’étranger faisant l’objet de l’une de ces mesures a l’obligation de les respecter et a l’interdiction d’y faire obstacle d’une quelconque manière à son éloignement.

En cas de refus ou d’obstacle de l’étranger à son éloignement, celui-ci peut être condamné sur le plan pénal.

 

La question qui se pose est celle de savoir dans quelles conditions cette condamnation peut avoir lieu.

 

  1. De quelle peine s’agit-il ?

En premier lieu, l’article L.824-1 du CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) prévoit que :

« Est puni de trois d’emprisonnement le fait, pour un étranger, de ne pas présenter à l’autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l’exécution d’une interdiction administrative du territoire, d’une décision d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière ou d’une obligation de quitter le territoire français ou, à défaut de ceux-ci, de ne pas communiquer les renseignements permettant cette exécution ou de communiquer des renseignements inexacts sur son identité.
L’étranger condamné en application du présent article encourt la peine complémentaire de dix ans d’interdiction du territoire français
 ».

 

L’article L.824-9 du CESEDA prévoit quant à lui :

« Est puni de trois ans d’emprisonnement le fait, pour un étranger, de se soustraire ou de tenter de se soustraire à l’exécution d’une interdiction administrative du territoire français, d’une obligation de quitter le territoire français ou d’une décision d’expulsion.

Cette peine est également applicable en cas de refus, par un étranger, de se soumettre aux modalités de transport qui lui sont désignées pour l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet.

Cette peine est également applicable en cas de refus, par un étranger, de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet.

L’étranger condamné en application du présent article encourt la peine complémentaire de dix ans d’interdiction du territoire français ».

 

  1. Quelles sont les différentes étapes de la procédure d’éloignement à respecter avant une condamnation pénale ?

La Cour de Justice de l’Union européenne a rappelé le 28 avril 2011 (arrêt EL DRIDI, affaire C-61/11) que toutes les mesures de nature administrative doivent être mises en œuvre avant toute condamnation pénale, en vertu de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008.

Cette directive organise en effet les étapes successives à respecter, par degré de coercition croissant :

-article 6 : étape initiale, les autorités peuvent prendre une mesure d’éloignement mais elles doivent privilégier son exécution volontaire,

-article 7 : dans des conditions particulières telles qu’un risque de fuite, un délai pour exécuter peut être imposer, voire une exécution sans délai,

-article 8 : en cas d’absence d’exécution, toutes les mesures nécessaires, y compris coercitives, peuvent être mises en œuvre,

-article 15 : la rétention de l’étranger en vue de l’exécution peut être mise en œuvre.

Les mesures les plus coercitives sont donc l’assignation à résidence et la rétention administrative (l’enfermement).

Une fois ces différentes étapes réalisées de manière infructueuse, des sanctions pénales peuvent être prononcées.

L’objectif de cette directive est donc de contraindre les Etats à réaliser toutes les démarches en vue de l’éloignement, et de condamner sur le plan pénal en cas d’échec de la procédure d’éloignement.

Il ne s’agit ainsi pas de deux procédures appliquées parallèlement.

 

  1. Que signifie l’application de sanctions pénales en cas d’échec de ces étapes ?

Par trois arrêts du 13 avril 2023, la Cour de cassation est venue apporter des précisions sur cette condamnation pénale (pourvois n°22-81.676, n°22-85.816, n°22-84.426).

La Cour de cassation a jugé que la sanction pénale ne peut avoir lieu avant que toutes les étapes de la procédure d’éloignement n’aient été réalisées.

Elle précise que cela signifie :

-la durée maximale d’une mesure de rétention a été atteinte, ou

-il a été mis fin à cette mesure en raison du constat qu’il n’existe plus de perspectives d’éloignement.

 

Ainsi, la Cour de cassation a jugé qu’une sanction pénale sur le fondement des articles L.824-1 et L.824-9 du CESEDA ne peut être prononcée qu’en ultime recours, une fois tous les efforts en vue de l’éloignement mis en œuvre, et une fois les délais maximums de rétention atteints.

 

Pour conclure, il convient dès lors de vérifier que toutes les étapes ci-dessus rappelées ont été respectées, et que la rétention administrative avait atteint son délai maximum, faute de quoi une requête en nullité pourra être réalisée.