GARDE A VUE – NON RESPECT DES PRESCRIPTIONS MEDICALES

GARDE A VUE – NON RESPECT DES PRESCRIPTIONS MEDICALES

Le non-respect des prescriptions médicales entraine la nullité de la garde à vue

 

Cass.crim., 14 mars 2017, n°16-84.352

 

  1. L’article 63-3 du Code de procédure pénale : droit à être examiné par un médecin

L’article 63-3 du Code de procédure pénale prévoit le droit pour toute personne placée en garde à vue d’être examinée par un médecin :

« Toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, être examinée par un médecin désigné par le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire. En cas de prolongation, elle peut demander à être examinée une seconde fois.

(…)

Le médecin examine sans délai la personne gardée à vue. Le certificat médical par lequel il doit notamment se prononcer sur l’aptitude au maintien en garde à vue est versé au dossier ».

 

  1. Non-respect des prescriptions du médecin : nullité de la garde à vue

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler l’obligation pour les enquêteurs de respecter les prescriptions du médecin, par un arrêt du 14 mars 2017.

En l’espèce, la personne placée en garde à vue avait fait un malaise lors d’une perquisition et avait été conduite à l’hôpital, mais n’avait pas été admise.

Un médecin l’examinait plusieurs heures plus tard, et déclarait son état compatible avec la mesure de garde à vue, sous réserve d’être transportée à l’hôpital deux fois par jour, à 8H puis à 20H.

Ce certificat était émis à 3H26.

Les enquêteurs réalisaient une nouvelle perquisition à 7H30, faisant obstacle au respect de cette prescription.

Lors de cette nouvelle perquisition, la personne placée en garde à vue faisait un malaise et était de nouveau conduite à l’hôpital. Le Juge d’instruction mettait fin à la garde à vue.

 

La nullité de la garde à vue était sollicitée par le requérant, mais la chambre de l’instruction rejetait sa demande.

Elle soulevait en effet plusieurs éléments :

-les enquêteurs n’auraient pas eu connaissance du certificat médical et n’avaient donc aucune volonté de porter atteinte à l’intégrité du requérant,

-il convenait de s’attacher, non pas à la prescription médicale de manière stricte, mais à son esprit, à savoir que le requérant devait voir un médecin deux fois par jour, le matin et le soir. De cette manière, elle expliquait que le médecin n’avait pas pour objectif d’imposer un planning strict mais de faire respecter cette obligation de voir un médecin deux fois par jour,

-en débutant la perquisition d’un simple bureau à 7H30, les enquêteurs avaient anticipé le fait qu’ils pourraient respecter l’esprit de cette prescription tel que décrit, ce qu’ils avaient fait en le présentant à l’hôpital à 10H35.

 

La Cour de cassation cassait cette argumentation, et s’attachait à la prescription médicale stricte.

En effet, selon elle, le médecin avait jugé l’état du requérant compatible avec la garde à vue sous réserve d’être conduite à l’hôpital à 8H et à 20H.

Dès lors, les enquêteurs auraient dû présenter le requérant à l’hôpital à 8H et ne pouvaient débuter la perquisition à 7H30.

La Cour de cassation ajoutait que les enquêteurs avaient certes présenté le requérant à l’Hôpital à 10H35, mais que cela avait été fait sur demande des pompiers intervenus en raison du second malaise subi.

 

Dès lors, la Cour de cassation impose la nullité de la garde à vue en cas de non-respect des prescriptions médicales.

 

  1. Non-respect des prescriptions du médecin : un précédant en 2009

Il ressort de la jurisprudence que dès 2009, la Cour de cassation concluait à la nullité d’une garde à vue pour non-respect des prescriptions du médecin, et ce peu importe que le requérant ait subi un grief particulier (Cass.crim., 27 octobre 2009, n°09-82.505).

 

En l’espèce, le requérant était placé en garde à vue et était examiné par un médecin qui concluait à 21H50 à l’incompatibilité de son état de santé avec cette mesure.

A 2H25, un autre médecin rendait un certificat de compatibilité de l’état de santé avec la mesure de garde à vue.

La chambre de l’instruction rejetait la demande de nullité de la garde à vue, aux motifs que :

-l’avocat du requérant n’avait formulé aucune observation suite au premier certificat,

-le requérant ne s’était pas plaint de son état de santé devant les enquêteurs ou devant le juge d’instruction,

-son audition intervenue entre l’établissement des deux certificats contradictoires ne portait pas sur le fond de l’affaire et ne pouvait donc lui faire grief.

La chambre de l’instruction concluait ainsi à l’absence d’atteinte portée aux intérêts du requérant.

 

La Cour de cassation jugeait au contraire que la simple poursuite de la garde à vue malgré la constatation d’une incompatibilité entre la mesure et l’état de santé portait nécessairement atteinte aux intérêts du requérant.

 

Dès lors, le seul irrespect des prescriptions médicales suffit à caractériser un grief, justifiant l’annulation de la mesure de garde à vue.