29 Juil INDEMNISATION / L’INDEPENDANCE DE LA CIVI DANS L’INDEMNISATION DES VICTIMES
La CIVI peut indemniser les victimes d’infraction malgré une décision de relaxe ou d’acquittement, dans certaines conditions, et peut indemniser la victime si celle-ci n’a pas mis en cause la CPAM devant la juridiction pénale
- Le principe d’autonomie de la CIVI
La CIVI (Commission d’indemnisation des victimes d’infractions) a pour rôle de faciliter l’indemnisation des victimes d’infractions, et leur garantir une réparation intégrale de leur préjudice, y compris si l’auteur des faits est inconnu ou insolvable (article 706-3 et suivants du Code de procédure pénale).
Or, le tribunal correctionnel jugeant de la culpabilité d’une personne peut également être saisi de la réparation du préjudice par la victime.
La victime d’infraction dispose donc de deux moyens d’obtenir réparation.
La question se pose donc de connaitre le niveau d’indépendance entre ces juridictions.
La jurisprudence a tranché cette question : ces deux juridictions sont autonomes (Cass. civ., 2ème civ., 18 juin 1986, n°84-17.283 ; Cass.civ., 2ème civ., 1er juillet 1992, n°91-12.662).
Se pose dès lors la question du degré d’indépendance de la CIVI : la CIVI peut-elle indemniser une victime si une relaxe a été prononcée ? Quand est-il si la victime n’a pas mis la CPAM dans la cause devant la juridiction pénale ?
- Quid de la relaxe ou de l’acquittement ?
La jurisprudence accorde une grande autonomie à la CIVI, en lui autorisant l’indemnisation des victimes d’infraction, y compris dans les cas de relaxe ou d’acquittement, selon les raisons de cette relaxe.
En effet, la CIVI dispose d’un pouvoir souverain de caractérisation des infractions reprochées (Cass.civ., 2ème civ., 25 mai 2022, n°20-18.569).
Cela signifie donc que la CIVI peut identifier des éléments constitutifs d’une infraction, et reconnaitre l’existence d’une infraction pénale, alors même que celle-ci n’a pas encore été reconnue par la juridiction pénale (notamment en cas de classement sans suite : Cass.civ., 2ème civ., 1er juillet 1992, n°91-12.662).
La CIVI peut également caractériser une infraction dans le cas où un acquittement a été prononcé, si les éléments caractérisant cette infraction sont réunis (Cass.civ., 2ème civ., 11 juillet 1988, n°87-15.061).
C’est notamment le cas lorsque l’acquittement a été prononcé pour manque de preuve (Cass.civ., 2ème civ., 8 février 2018, n°17-12.516).
En l’espèce, un individu avait été blessé par une arme à feu, à l’occasion d’une altercation. Le prévenu, accusé de tentative de meurtre, était acquitté.
La CIVI rejetait la demande de provision, validée par la Cour d’appel, au motif que le droit à indemnisation du requérant se heurtait à une contestation sérieuse du fait de l’acquittement.
La Cour de cassation cassait cette décision au motif que :
-la blessure par arme à feu n’était pas contestée,
-l’acquittement était motivé par l’insuffisance de preuve,
-la matérialité des faits n’était pas remise en cause par ces éléments.
La Cour de cassation en concluait qu’il appartenait à la CIVI et à la Cour d’appel de chercher les éléments matériels caractérisant l’infraction, et ce alors même qu’un acquittement avait été prononcé.
Il convient d’en conclure qu’un acquittement ou une relaxe pour insuffisance de preuve ne remet pas en cause l’existence de l’infraction, de sorte que la CIVI peut être amenée à caractériser l’infraction et indemniser la victime.
Il convient également d’en conclure qu’un acquittement au motif que l’infraction n’a pas eu lieu ne pourrait donner lieu à indemnisation.
- Quid de l’indemnisation de la CIVI si la CPAM n’a pas été mise en cause devant la juridiction pénale ?
En cas de préjudice corporel, la victime a l’obligation de mettre la CPAM dans la cause afin d’obtenir réparation de son préjudice (article L.376-1, alinéa 8, du Code de la sécurité sociale).
Cette mise en cause doit être réalisée au moins 10 jours avant l’audience. En cas de comparution immédiate, le Ministère public se charge de cette mise en cause.
La Cour d’appel a dû répondre à la question suivante : si la CPAM n’a pas été mise en cause dans le cadre de l’audience pénale, la CIVI peut-elle malgré cela indemniser la victime ?
La Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE a jugé que cette indemnisation pouvait en effet avoir lieu (CA d’AIX EN PROVENCE, 20 décembre 2013, n°12/03526).
En l’espèce, un individu avait été condamné pour violences volontaires sur une femme, qui se constituait partie civile mais n’avait pas mis en cause la CPAM devant la juridiction pénale.
La requérante saisissait la CIVI aux fins d’être indemnisée.
La Cour d’appel rappelait la possibilité pour la CPAM de demander l’annulation du jugement pénal et que la CIVI pouvait indemniser la victime alors même qu’elle n’avait pas mis la CPAM dans la cause devant la juridiction pénale.
Il convient d’en conclure que l’absence de mise en cause de la CPAM n’a pas d’impact sur l’indemnisation de la CIVI, mais aurait pour conséquence l’annulation du jugement pénal en ses dispositions civiles si cette annulation est sollicitée.
- Quid du recours du Fonds de garantie aux fins de remboursement ?
Enfin, il convient de rappeler que la FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D’INFRACTIONS a une action subrogatoire contre l’auteur de l‘infraction, aux fins de remboursement.
Concrètement, une fois que la CIVI ordonne l’indemnisation de la victime, le FONDS DE GARANTIE peut indemniser cette dernière en lieu et place de l’auteur.
Puis, le FONDS se retourne contre l’auteur de l’infraction afin d’être remboursé de la somme versée à la victime.
En ce sens, la Cour de cassation a rappelé que cette action du FONDS DE GARANTIE n’existe que s’il peut justifier que les victimes auxquelles il a versé une indemnisation ont souffert d’un préjudice découlant de l’infraction (Cass.crim., 24 novembre 2004, n°04-80.226).
Ainsi, le FONDS DE GARANTIE ne pourra demander à l’auteur des faits le remboursement des indemnités versées s’il ne peut pas prouver que les victimes en ayant bénéficié ont bien souffert d’un préjudice découlant directement de l’infraction qui lui est reprochée.