INJURE ET DIFFAMATION / Définition et distinction de l’injure et de la diffamation en droit pénal

INJURE ET DIFFAMATION / Définition et distinction de l’injure et de la diffamation en droit pénal

Deux infractions similaires mais différentes dans leurs caractéristiques et sanctions

L’injure et la diffamation publiques sont deux infractions de presse régies par les articles 29 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. Lorsqu’elles ne sont pas publiques, elles relèvent des dispositions du Code pénal.

Selon l’article 23 de la loi de 1881, sont considérés comme publics les discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique.

Il n’est pas toujours aisé de faire la distinction entre la diffamation et l’injure. Ainsi, il convient d’analyser quelles sont les différences entre ces deux infractions.

 

  1. La diffamation

 

  1. Définition de la diffamation

 

L’article 29 alinéa 1er de la loi de 1881 dispose que « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ».

Pour être constitutive d’une diffamation, l’allégation ou l’imputation doit se présenter sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire. Autrement dit, une diffamation porte sur un fait qui peut être prouvé par l’auteur de l’allégation (Cass. crim, 3 déc. 1963 n°62-93.121 ; Cass. crim 14 février 2006 n°05-82.475 ; Cass. crim 16 mars 2004 n°03-82.828).

Exemples de diffamation : « collaborateur » et « traître à la patrie » (Cass. crim 17 février 1949) ; « condamné de droit commun privé de ses droits civiques » (Cass. crim 18 janvier 1950) ; affirmer que l’auteur d’un viol, qui connaissait sa séropositivité « savait qu’il tuait » (TGI Paris 30 mai 1990) ; imputation à un journaliste d’avoir agi en porte-parole d’un ministre (Cass. ass. Plén, 25 février 2000 n°94-15.846).

 

  1. Les sanctions de la diffamation

 

  • La diffamation publique

 

La diffamation publique commise envers les particuliers est punie d’une amende de 12 000 euros.

En revanche, la diffamation est punie d’une amende de 45 000 euros :

  • Lorsqu’elle est commise envers les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l’air et de l’espace, les corps constitués et les administrations publiques
  • Lorsqu’elle est commise à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers le Président de la République, un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l’autorité publique, un ministre de l’un des cultes salariés par l’Etat, un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition.

En outre, la diffamation est puni d’un an d’emprisonnement et/ou de 45 000 euros d’amende :

  • Lorsqu’elle est commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée
  • Lorsqu’elle est commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap.
  • La diffamation non publique

La diffamation non publique est une contravention punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 1re classe à savoir 38 euros (article R621-1 du Code pénal).

 

  1. Les faits justificatifs

Selon l’article 35 de la loi de 1881, la diffamation ne sera pas sanctionnée si l’auteur des propos apporte la preuve de la véracité des propos, sauf si l’allégation porte sur la vie privée de la victime.

De même, si l’auteur des propos invoque l’exception de bonne foi, celui-ci pourra échapper à toute sanction sur le fondement de la diffamation.

 

  1. Injure

 

  1. Définition de l’injure

Selon l’article 29 alinéa 2 de la loi de 1881, l’injure est « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». Autrement dit, l’injure est une expression outrageante qui ne peut pas faire l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire.

Exemple d’injures : « traître » (Cass. crim 6 mars 1974 n°73-91.937) ;  « couard, homme vil, dont la pensée roule au niveau du caniveau » (Cass. crim 26 février 1985) ; « menteuse, incapable, incompétente » (Cass. crim 27 novembre 1997 n°96-85.094)  ; qualifier des policiers « d’assassins » (Cass. ass. Plén, 25 juin 2010 n°08-86.891).

 

  1. Les sanctions de l’injure

 

  • L’injure publique

L’injure publique est punie d’une amende de 12 000 euros.

En revanche, elle est punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende :

  • Lorsqu’elle est commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
  • Lorsqu’elle est commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap.

Lorsque les faits mentionnés aux 1 et 2 sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.

  • L’injure non publique

Tout comme la diffamation non publique, l’injure non publique est une contravention punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 1re classe, donc 38 euros (article R621-2 du Code pénal).

 

  1. Les faits justificatifs

L’auteur de l’injure peut invoquer l’excuse de provocation pour s’exonérer de toute responsabilité pénale. En revanche, l’excuse de provocation ne peut être invoquée que lorsque l’injure vise un particulier.

A la différence de la diffamation, la preuve des faits pouvant justifier la vérité des propos allégués n’est jamais autorisée (Cass. crim 12 juillet 1971 n° 70-90.146).

 

Quelle qualification retenir lorsque les propos relèvent à la fois de la diffamation et de l’injure ?

La Cour de cassation a considéré que si les propos forment un tout indivisible, la qualification de diffamation doit être retenue (Cass. crim 3 mai 1956 ; Cass. crim 25 février 2014 n° 13-80.826), le délit d’injure étant absorbé par celui de diffamation (Cass. crim 23 juin 2009 n° 08-88.016).

Si les propos sont divisibles, l’auteur des faits pourra être poursuivi à la fois sur le fondement de la diffamation que sur le fondement de l’injure.

 

  • Le délai de prescription

 

L’article 65 de la loi de 1881 a mis en place un délai de prescription extrêmement court. En effet, la diffamation et l’injure publique se prescrivent par 3 mois révolus à compter du jour où elles ont été commises, ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuites.

En revanche, lorsque la diffamation ou l’injure publiques sont discriminatoires (en raison de l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, à une nation, en raison du sexe, de l’orientation sexuelle…) le délai de prescription est d’une année.

En ce qui concerne la diffamation et l’injure non publiques, elles se prescrivent par une année révolue à compter du jour où l’infraction a été commise (article 9 du Code de procédure pénale).