LA COMPARUTION DE LA VICTIME, PARTIE CIVILE, DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL

LA COMPARUTION DE LA VICTIME, PARTIE CIVILE, DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL

Il n’est pas possible de contraindre la partie civile à comparaître devant la juridiction correctionnelle.

 

Cass., crim., 4 avril 2024, n°22-80.417

 

  1. Le droit à un procès équitable

Le droit à un procès équitable est un droit fondamental garanti à toute personne dans le cadre d’une procédure judiciaire. Ce droit est inscrit dans la Convention Européenne des Droits de l’Homme à l’article 6, qui dispose :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.

  1. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
  2. Tout accusé a droit notamment à :
  3. a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
  4. b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
  5. c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
  6. d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
  7. e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »

 

 

  1. L’arrêt du 3 mai 2024 mettant l’accent sur la comparution de la partie civile

En l’espèce, une personne a déposé plainte pour agression sexuelle sur personne dont la particulière vulnérabilité, due à une déficience physique ou psychique, était apparente ou connue de son auteur.

Le prévenu a été condamné par le tribunal correctionnel à deux ans d’emprisonnement avec sursis probatoire.

Le prévenu ainsi que le ministère public ont fait appel de la décision à titre incident. La partie civile, quant à elle, a formé appel incident sur les dispositions civiles.

Il convient de préciser que la victime, citée à comparaître comme témoin des faits, ne s’est présentée ni à la confrontation, ni aux audiences, malgré les convocations, par peur, et au vu de son lourd handicap et du traumatisme causé par les faits.

En l’occurrence, cela posait problème dans le cadre du respect du droit de la partie en défense à un procès équitable. En effet, au regard de l’article 6, §3, d) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, il doit être possible d’interroger les témoins dans le cadre d’un procès. Les poursuites reposant essentiellement sur les déclarations de la partie civile, il semblait nécessaire que celle-ci se présente.

Toutefois, et comme la Cour de cassation le rappelle, aucune disposition du code de procédure pénale ne permet de contraindre la partie civile à comparaître devant la juridiction correctionnelle.

Dès lors, les juges doivent rechercher les moyens qu’il est possible de mettre en œuvre afin de confronter les parties, et par conséquent respecter le droit au procès équitable dans son ensemble, ainsi que de vérifier que l’absence de la partie civile soit bien justifiée par une excuse légitime.

 

La Cour de cassation, dans cet arrêt, applique en droit interne la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme qui précise que les juges doivent rechercher tous les moyens possibles pour assurer une confrontation entre la victime et le prévenu (CEDH, 10 avril 2012, Tseber c/ République Tchèque, n°46203/08).

 

  1. La nécessité d’un motif légitime d’absence de comparution à l’audience

Cette décision met l’accent sur l’importance pour la partie civile d’apporter la preuve d’un motif légitime justifiant son absence à l’audience. La présence de la partie civile apparait nécessaire dès lors qu’elle a connaissance des faits en détails, ce qui paraît utile pour le juge dans le cadre de la décision qu’il a à prendre par la suite.

En l’espèce, la partie civile n’avait pas apporté de preuves du handicap de la victime ni du traumatisme lié aux faits. Les juges auraient dû ordonner une expertise aux fins de vérifier l’état de santé de la victime. L’excuse légitime aurait ainsi pu être appréciée par les juges au regard de la situation physique et psychologique de la victime.