24 Mai ENQUETE / L’enquête de flagrance
LA CONSTATATION DE NOUVEAUX DELITS FLAGRANTS OU DE LA REITERATION DE L’INFRACTION NE PEUVENT PAR ELLES-MEME PERMETTRE LA PROLONGATION DE L’ENQUETE DE FLAGRANCE
Cass.crim., 18 décembre 2013, n°13-85.375
- Définition de l’enquête de flagrance
L’enquête de flagrance est définie par l’article 53 du Code de procédure pénale comme :
« Est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit ».
Autrement dit, l’enquête de flagrance porte sur des infractions qui viennent d’être commises ou ont été commises dans un espace de temps très voisin de la découverte des faits.
En outre, l’enquête de flagrance porte sur des crimes ou des délits, donc nécessairement des infractions pénales faisant encourir une peine d’emprisonnement.
- Début et fin de l’enquête de flagrance
Comme évoqué, l’enquête de flagrance est conditionnée au temps de commission ou de découverte de l’infraction.
Elle début donc lorsque :
-l’infraction « se commet actuellement » : c’est le cas lorsqu’un membre des forces de l’ordre constate l’infraction. A titre d’exemple, il constate qu’un individu brise la vitre d’une habitation pour y pénétrer ;
-l’infraction « vient de se commettre » : l’infraction a déjà été commise, mais est immédiatement rapportée aux forces de l’ordre. Par exemple, un passant se rend dans un commissariat ou une gendarmerie afin d’informer avoir vu quelques minutes auparavant un individu briser la vitre d’une habitation et y entrer ;
-il y a aussi flagrant délit lorsque « dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique » : l’infraction vient d’avoir lieu, et les forces de l’ordre sont averties par les témoins. Par exemple, un individu porteur d’une cagoule brise une vitre, entre dans une habitation, en ressort avec un sac rempli et fuit, les passants hurlent alors qu’il y a eu un vol et les forces de l’ordre en sont averties de la sorte. C’est la formule « au voleur ! » ;
-enfin, « la personne soupçonnée (…) est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit » : c’est par exemple le cas de l’individu trouvé par les membres des forces de l’ordre porteur d’une cagoule, des gants dans les poches et un sac à la main rempli de bijoux.
La jurisprudence exige également que les membres des forces de l’ordre relèvent des indices apparents d’un comportement délictueux révélant l’existence d’une infraction (Cass.crim., 4 janvier 1982, n°80-95.198, Cass.crim., 2 février 1988, n°87-81.147).
Une enquête de flagrance ne pourra donc pas débuter sur un renseignement anonyme, même si l’infraction vient d’être réalisée, car les membres des forces de l’ordre ne peuvent constater d’indices apparents de la commission de cette infraction.
Et ce également si la personne dénoncée par renseignement anonyme est connue des forces de l’ordre (Cass.crim., 11 juillet 2007, n°07-83.427).
L’enquête de flagrance dure, selon l’article 53 du Code de procédure pénale, pendant 8 jours.
Au-delà, une prolongation peut être ordonnée par le Procureur de la République, dans certaines conditions (crime ou délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à 5 ans, investigations qui ne peuvent être différées).
A défaut de prolongation, l’enquête de flagrance prend fin au terme de huit jours et l’enquête préliminaire débute.
- Différences de pouvoirs entre l’enquête de flagrance et l’enquête préliminaire
Ces deux cadres d’enquête diffèrent dans les pouvoirs octroyés aux forces de l’ordre.
Si les actes d’enquête sont les mêmes, l’urgence de l’enquête de flagrance autorise en effet les OPJ à réaliser des actes sans obtenir certaines autorisations.
A titre d’exemple, les perquisitions de domicile peuvent être réalisées sans l’autorisation de l’occupant dans le cadre d’une enquête de flagrance, cette autorisation étant nécessaire dans le cadre d’une enquête préliminaire (article 57 du Code de procédure pénale).
De la même manière, un OPJ peut, de sa propre initiative, procéder à des réquisitions dans le cadre de l’enquête de flagrance, tandis qu’une autorisation du Parquet est obligatoire dans le cadre de l’enquête préliminaire (article 60 et suivants du Code de procédure pénale).
Le cadre d’enquête a donc un enjeu en termes d’étendue des pouvoirs des OPJ.
- Arrêt du 18 décembre 2013 : pas de prolongation de l’enquête de flagrance par la découverte de nouveaux faits
En l’espèce, des policiers en patrouille de sécurité, passant au niveau d’un parking extérieur, non clos, d’une résidence privée, ont constaté la présence d’un véhicule dépourvu de certificat d’assurance, muni de double plaque d’immatriculation.
Leurs vérifications ont permis d’établir que le véhicule était volé et que les plaques étaient fausses.
Une enquête de flagrance était ouverte et un dispositif de surveillance du véhicule était mis en place.
Les investigations se poursuivaient dans le cadre d’une enquête préliminaire, au cours de laquelle les policiers découvraient d’autres véhicules volés, d’autres fausses plaques et un trafic de stupéfiants.
Ils délivraient dès lors, sans autorisation préalable du magistrat du Parquet, des réquisitions relatives à la vidéosurveillance et aux transactions bancaires liées, pouvoirs accordés dans l’unique cadre de l’enquête de flagrance.
La Cour de cassation rappelle que la découverte de nouveaux délits flagrants ne peut proroger le délai de 8 jours accordé à l’enquête de flagrance, car seule l’autorisation du Parquet ou l’ouverture d’une procédure de flagrance incidente aurait permis aux services de police de continuer à agir dans le cadre de la flagrance.