JUGEMENT / L’obligation de justifier la peine prononcée

JUGEMENT / L’obligation de justifier la peine prononcée

La nécessité pour le juge de motiver la peine prononcée en la justifiant par rapport aux faits et à la personne

Cass.crim., 1er février 2017, n°15-84.511

 

Le Code pénal a instauré une obligation pour le juge de motiver la peine prononcée en la justifiant par rapport aux faits et à la personnalité, car il est existe un grand nombre de peines applicables ainsi que le principe d’individualisation de la peine.

 

Le juge a donc un large choix dans la peine applicable et doit pouvoir en justifier.

 

  1. Fonctions de la peine et types de peine

 

La peine a deux fonctions principales selon le Code pénal (article 130-1) : la sanction et l’insertion/réinsertion.

 

Ces fonctions ont pour objectifs d’assurer la protection de la société, éviter la récidive ou la commission de nouvelles infractions, et restaurer l’équilibre social.

 

Un équilibre doit être trouvé dans la sanction, qui doit être suffisamment sévère pour éviter la récidive, mais ne doit pas non plus être excessivement sévère pour favoriser la réinsertion.

 

A cette fin, le Code pénal met à disposition des magistrats un large choix de peines :

 

-les peines criminelles sont constituées par une détention criminelle ou réclusion criminelle de dix ans à la perpétuité, mais peuvent également être accompagnées d’une amende (articles 131-1 et suivants du Code pénal) ;

 

-les peines délictuelles sont constituées par l’emprisonnement, la détention à domicile sous surveillance électronique, le travail d’intérêt général, l’amende, le jour-amende, les peines de stage, les peines restrictives ou privatives de droits et la sanction-réparation (articles 131-3 et suivants du Code pénal) ;

 

-les peines contraventionnelles sont constituées par l’amende, les peines restrictives ou privatives de droits, ainsi que la sanction-réparation (articles 131-12 et suivants du Code pénal).

 

Le magistrat peut également appliquer des peines complémentaires (articles 131-10 et suivants du Code pénal), ainsi que des aménagements de peine ab initio, c’est-à-dire dès le jugement.

 

Afin de l’aider dans le choix de la peine, le Code pénal prévoit le principe de l’individualisation de la peine.

 

  1. Principe d’individualisation

 

L’article 132-1 du Code pénal prévoit que :

 

« Toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée ».

 

Ce principe signifie que la peine doit être ordonnée au regard de la personnalité de l’auteur de l’infraction mais pas seulement.

 

En effet, le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises que ce principe signifie la prise en considération de la personnalité de l’auteur, mais également des circonstances propres à chaque cas d’espèce, afin de ne pas faire obstacle au principe d’une répression effective des infractions (Conseil constitutionnel, décisions des 20 janvier 1981 et 9 aout 2007, DC n°80-127 et n°2007-554 ; décision QPC du 16 octobre 2015, n°2015-493).

 

En ce sens et en ce qui concerne la peine d’emprisonnement, l’article 132-19 du Code pénal prévoit une échelle de sévérité :

 

« Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut prononcer une peine d’emprisonnement ferme ou assortie en partie ou en totalité du sursis pour une durée inférieure à celle qui est encourue. Elle ne peut toutefois prononcer une peine d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois.

Toute peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate.

Dans ce cas, si la peine est inférieure ou égale à six mois, elle doit, sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, faire l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues à l’article 132-25. Dans les autres cas prévus au même article 132-25, elle doit également être aménagée si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle.

Le tribunal doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l’espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale conformément aux dispositions de l’article 464-2 du code de procédure pénale ».

 

Le juge n’a donc aucune obligation de prononcer une peine d’emprisonnement, il peut choisir d’appliquer une autre peine.

 

Il peut donc :

-appliquer une autre peine que l’emprisonnement,

-si cela semble inadapté aux faits et à la personnalité de l’auteur, il peut appliquer une peine d’emprisonnement avec sursis,

-si cela n’est encore pas adapté, il peut appliquer un aménagement de peine,

-et en dernier recours, il peut appliquer une peine d’emprisonnement ferme.

 

Ce choix doit être motivé.

 

Ce principe d’individualisation de la peine existe également pour la peine d’amende, qui peut varier en fonction des revenus et des charges de l’auteur (article 132-20 du Code pénal).

 

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler ce principe dans un arrêt du 1er février 2017.

 

  • L’arrêt du 1er février 2017

 

En l’espèce, le maire d’une commune était condamné pour provocation à la discrimination, à la haine et à la violence à une peine d’amende de 10.000 euros et un an d’inéligibilité.

 

En effet, à l’occasion d’une réunion publique, il déclarait « Je vous rappelle quand même que les gens du voyage, que dis-je, les Roms, m’ont mis neuf fois le feu. Neuf fois des départs de feux éteints par le SDIS dont le dernier, ils se le sont mis eux-mêmes. Vous savez ce qu’ils font : ils piquent des câbles électriques et après ils les brûlent pour récupérer le cuivre et ils se sont mis à eux-mêmes le feu dans leurs propres caravanes. Un gag ! Ce qui est presque dommage, c’est qu’on ait appelé trop tôt les secours ! Mais je ne l’ai pas dit, je ne l’ai pas dit. Non mais parce que les Roms, c’est un cauchemar, c’est un cauchemar ».

 

Le requérant interjetait appel de cette décision, remettant en question la peine d’inéligibilité.

 

La Cour d’appel confirmait sa condamnation, au motif qu’il s’agissait d’un homme politique, maire de sa commune depuis 13 années, et que sa mission était d’assurer la sécurité de toutes les personnes se trouvant sur sa commune. A cela s’ajoutait la gravité des propos et la personnalité de l’auteur.

 

Le requérant formait un pourvoi en cassation, et soulevait les moyens suivants :

-il avait fait usage de sa liberté d’expression dans le cadre d’un débat d’intérêt général,

-la peine d’inéligibilité aurait un effet dissuasif sur les débats,

-la peine d’inéligibilité n’était pas nécessaire, n’était pas proportionnée et n’était pas individualisée.

 

La Cour de cassation confirmait la décision de la Cour d’appel.

 

En premier lieu, la peine doit être justifiée au regard de la gravité des faits, de la personnalité de l’auteur et de sa situation personnelle, ce qui était le cas en l’espèce.

 

En second lieu, la peine était proportionnée ainsi que l’atteinte à sa liberté d’expression.

 

En conclusion : Si votre jugement n’est pas suffisamment motivé, vous pouvez interjeter appel ou former un pourvoi en cassation pour violation de l’article 132-1 du Code pénal.