DENONCIATION CALOMNIEUSE / Les déclarations spontanées

DENONCIATION CALOMNIEUSE / Les déclarations spontanées

LES FAITS DENONCES EN EXECUTION D’UNE OBLIGATION REGLEMENTAIRE NE PEUVENT ETRE CONSIDERES COMME SPONTANES

Cass.crim., 14 janvier 2014, n°12-86.781

  1. Définition de l’infraction de dénonciation calomnieuse

L’infraction de dénonciation calomnieuse vise à sanctionner le fait de porter à la connaissance d’une autorité des faits que l’on sait faux, ce qui pourra gravement nuire à la personne visée par ces propos qui en subira de lourdes conséquences.

Par cette fausse dénonciation, l’auteur porte atteinte à l’honneur de la victime.

En ce sens, l’article 226-10 du Code pénal prévoit que :

« La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu’elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l’employeur de la personne dénoncée est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d’acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n’a pas été commis ou que celui-ci n’est pas imputable à la personne dénoncée.

En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci ».

 

  • Pour caractériser cette infraction, il convient de rassembler les éléments suivants :

-Une fausse révélation portant sur un fait,

-La connaissance de la fausseté de cette information,

-Des conséquences d’une gravité importante à prévoir par cette révélation (sanction judiciaire, administrative ou disciplinaire),

-Avoir fait cette révélation à une autorité pouvant appliquer des sanctions ou saisir l’autorité compétente.

 

A la différence de la diffamation, qui exige une révélation fausse ou vraie faite à toute personne, la dénonciation calomnieuse exige une révélation fausse à une autorité pouvant appliquer des sanctions.

 

Il convient enfin de préciser que la fausseté du fait dénoncé peut être démontrée de deux manières :

-par une décision devenue définitive de l’autorité saisie selon laquelle le fait n’a pas été commis ou n’est pas imputable à son auteur (article 226-11 du Code pénal),

-en l’absence d’une telle décision, les magistrats saisis devront apprécier les éléments fournis démontrant cette fausseté.

 

  1. L’arrêt du 14 janvier 2014 : l’exigence de la spontanéité des révélations

Dans cet arrêt, une société a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire et à l’occasion de cette procédure, un administrateur et un représentant des créanciers avaient été désignés.

Ces derniers ont rendu un rapport au juge-commissaire et au Procureur de la République, conformément à l’article 29 du décret 85-1388 du 27 décembre 1985 relatif au redressement et la liquidation judicaires des entreprises.

Selon cet article, « Dans le délai de deux mois après le jugement d’ouverture, l’administrateur et le représentant des créanciers font rapport au juge-commissaire et au procureur de la République sur le déroulement de la procédure et la situation de l’entreprise ».

Ainsi, sur le fondement de ce rapport, le Procureur de la République avait déclenché une procédure d’enquête, révélant de fortes présomptions d’infractions de banqueroute par détournements d’actifs et d’abus de biens sociaux à l’encontre des dirigeants de la société.

Une information judiciaire avait alors été ouverte, puis une décision de non-lieu avait été rendue.

Les dirigeants déposaient dès lors plainte pour dénonciation calomnieuse puis se constituaient partie civile, déclenchant en conséquence une information judiciaire.

Une ordonnance de non-lieu était également rendue, contre laquelle les parties civiles interjetaient appel.

La Cour d’appel confirmait l’ordonnance, soutenue par la Cour de cassation.

En effet, selon cette dernière, la dénonciation calomnieuse exige que la révélation d’un fait que l’on sait faux soit spontanée.

Cela signifie, que l’auteur de la révélation n’avait aucune obligation de faire cette révélation mais l’a décidé de lui-même.

En l’espèce, l’élément de spontanéité faisait défaut en raison de l’obligation légale portant sur les administrateurs et représentants des créanciers de rédiger un rapport sur la situation de l’entreprise en redressement judiciaire et de le remettre au Procureur de la République (article 29 du décret n°85-1388).

Ils n’ont pas choisi de révéler des faits mais ont simplement respecté une obligation légale.

 

  1. Exemples de jurisprudences sur l’élément de spontanéité

Constituent des révélations spontanées :

-le fait pour deux avocats d’écrire de leur propre chef une lettre au président de la chambre d’accusation afin de l’informer que seul le magistrat instructeur a pu avoir révélé des informations secrètes aux journalistes (Cass.crim., 30 mai 2000, n°99-84.470),

-le fait de déposer plainte auprès des autorités, la Cour de cassation n’a en effet pas accueilli l’argument selon lequel la plaignante avait été contrainte de révéler les faits d’agressions sexuelles (Cass.crim., 12 janvier 2016, n°14-86.710).

 

Au contraire, ne constituent pas des révélations spontanées :

-le fait pour un mineur de révéler des faits sous la pression des questions de ses parents puis en réponse aux questions des enquêteurs et du magistrat instructeur (Cass.crim., 7 janvier 2020, n°19-82.608),

-le fait pour un policier de rédiger un rapport concernant un incident qu’il avait le devoir de porter à la connaissance de son supérieure hiérarchique (Cass.crim., 3 mai 2000, n°99-85.107),

-le fait pour des témoins de répondre aux questions des gendarmes (Cass.crim., 16 juin 1988, n°87-85.432).