Mise en danger de la vie d’autrui

Mise en danger de la vie d’autrui

L’infraction se définit comme le comportement interdit par la loi sous peine de sanction pénale. Pour pouvoir caractériser une infraction pénale, il faut la réunion de 2 éléments :

  • Un élément matériel

 

  • Un élément moral

Le droit pénal a un encrage moral, il ne se satisfait pas de la simple imputation causale. L’article 121-3 du code pénal pose cette exigence de l’élément moral dans l’infraction. Cependant, cet article fait une distinction entre les fautes dites intentionnelle (l’auteur a voulu commettre l’infraction), des autres dites non-intentionnelle (l’auteur n’a pas souhaité que son comportement engendre le résultat causé), intentionnelle ou non un élément moral doit être caractérisé.

Il se peut que l’individu n’ait pas souhaité transgresser la loi, il l’a fait malgré lui. Par exemple, il se peut qu’il ait commis une négligence ou une imprudence. L’infraction non-intentionnelle doit se caractérisée par une atteinte grave à la personne ou un risque d’atteinte grave à la personne.

Le délit de mise en danger de la vie d’autrui est une infraction non-intentionnelle, on la retrouve à l’article 223-1 du code pénal.

C’est le fait d’exposer directement à autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement.

 

  1. La violation d’une obligation imposée par la loi ou le règlement

La mise en place de ce délit ne peut se faire qu’à la condition que l’auteur enfreint une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou par un règlement.

La victime se doit de démontrer que l’auteur a violé une obligation imposée par la norme. Sans cette démonstration, le délit de mise en danger d’autrui ne peut pas être retenu.

S’agissant de l’obligation en elle-même, elle doit interdire ou obliger un comportement précis. Si la règle est impersonnelle et générale, elle ne peut permettre à caractériser le délit.

 

  1. Une violation manifestement délibérée

Ce délit entre dans la catégorie des infractions non-intentionnelles, puisqu’elle suppose que son auteur n’avait pas la volonté de mettre la vie d’autrui en danger, mais plutôt de violé la règle établie.

De ce fait, pour qualifier ce délit, la victime doit démontrer l’intention manifeste de l’auteur de violé l’obligation.

 

 

  1. L’exposition d’autrui à un risque immédiat

Le délit de mise en danger d’autrui suppose par ailleurs l’exposition directe d’autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.

Le danger doit être établit de manière séparée avec la violation de la norme édictée. La simple violation à une norme ne suffit pas à caractériser le danger causer à autrui. Il revient aux juges du fond de justifier que la violation de la règle à causer un risque immédiat pour autrui.

Nous pouvons prendre l’exemple d’un automobiliste qui roule au-delà de la limitation de vitesse, la Cour de cassation a pu considérer dans un arrêt du 16 décembre 2015 (15-80916), que cela ne constitue pas l’infraction de mise en danger d’autrui, même si la violation de cette règle est punie par une autre infraction.

Les juges devront enfin caractériser clairement le lien de causalité direct et immédiat entre la violation de la règle et l’exposition au risque.

 

  1. Les sanctions encourues

Lorsque toutes ces conditions sont réunies, l’auteur du délit de mise en danger d’autrui encours une peine d’un an de prison et de 15 000 € d’amendes.

 

  1. L’application de ce délit à l’affaire Lafarge

 

Crim., 16 janvier 2024, n°22-83.681

La société LAFARGE a construit une cimenterie dans le nord de la Syrie, elle a été mise en service en 2010 et est exploitée par une société de droit syrien qui est détenue à une grande majorité par la société LAFARGE. Entre 2012 et 2015, le pays sombre dans la guerre civile et l’Etat islamique sort vainqueur. La cimenterie reste ouverte et les salariés syriens continuent de travailler. En effet la société LAFARGE avait versé entre 4,8 et 10 Millions d’euros à l’Etat Islamique pour éviter de compromettre l’activité de la cimenterie.

En novembre 2016, des associations ainsi que les salariés de la cimenterie ont porté plainte et se sont constitués partie civile auprès du juge d’instruction contre les chefs de financement d’entreprise terroriste, de complicité de crime de guerre et de crime contre l’Humanité, d’exploitation abusive du travail d’autrui et du délit de mise en danger de la vie d’autrui.

En effet, les salariés syriens ont considéré, qu’ils étaient exposés à un risque de mort ou de blessures, en assurant la continuité de l’exploitation de la cimenterie, notamment en ne recevant pas de formation adéquate en cas d’attaque.

En juin 2018, la société AFARGE est mise en examen des chefs précités.

La société LAFARGE conteste cette mise en examen en faisant une requête en annulation de la mise en examen devant la chambre de l’instruction en arguant que le droit syrien ne prévoyait aucune obligation particulière de sécurité, de ce fait le délit de mise en danger d’autrui ne pouvait être caractérisé.

Cette requête fut rejetée par la chambre d’instruction dans un arrêt du 24 octobre 2019.

La société LAFARGE forme alors un pourvoi en cassation.

La violation d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité par la loi ou le règlement d’un Etat étranger permet-elle de caractériser le délit de mise en danger de la vie d’autrui ?

Dans son arrêt du 16 janvier 2024, la chambre criminelle de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la chambre de l’instruction. En effet, la Cour considère que le délit de l’article 223-1 du code pénal ne peut être caractérisé qu’en présence d’une violation d’une obligation prévue par la loi française en s’appuyant sur l’article 34 et 37 de la Constitution.

Le fait de caractériser de manière assez souple le délit en présence d’une violation à une obligation établie par une loi étrangère aura pour conséquence détendre l’incrimination, or cela contreviendrait au principe d’interprétation strict de la loi prévu à l’article 111-4 du code pénal.