15 Avr NULLITE DE LA PROCEDURE POUR DEFAUT D’ACCES AU DOSSIER
Le défaut d’accès à l’intégralité des pièces de la procédure constitue une violation des droits de la défense, entrainant la nullité de la procédure.
- Le droit à un procès équitable et à préparer sa défense
Toute personne citée à comparaitre devant un tribunal dispose du droit à un procès équitable, comme cela est prévu par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’Homme :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».
Ce droit à un procès équitable comprend plusieurs composantes, et notamment le respect des droits de la défense :
« 3. Tout accusé a droit notamment à :
- a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
- b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
- c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
- d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience».
Il ressort de cet article l’importance de permettre à toute personne de pouvoir préparer sa défense, afin de bénéficier d’un procès équitable.
- L’accès à la procédure pénale : composante des droits de la défense
En droit français, le droit à préparer sa défense passe notamment par le droit à obtenir une copie de la procédure, comprenant les éléments à charge et à décharge contre le prévenu.
Il est en effet essentiel que le prévenu connaisse les éléments qui lui sont reprochés afin de pouvoir s’en expliquer, ou les contredire avec des éléments de preuve contraires.
L’article R.155 du Code de procédure pénale prévoit en ce sens que tout prévenu ou accusé peut obtenir une copie de la procédure dans son intégralité pour l’exercice des droits de la défense :
« En matière criminelle, correctionnelle et de police, hors les cas prévus par l’article 114, il peut être délivré aux parties :
(…)
2° Avec l’autorisation du procureur de la République ou du procureur général selon le cas, expédition de toutes les autres pièces de la procédure, notamment, en ce qui concerne les pièces d’une enquête terminée par une décision de classement sans suite. Toutefois, cette autorisation n’est pas requise lorsque des poursuites ont été engagées ou qu’il est fait application des articles 41-1 à 41-3 et que la copie est demandée pour l’exercice des droits de la défense ou des droits de la partie civile ».
Il en ressort qu’un prévenu cité à comparaitre devant un tribunal peut demander une copie de la procédure en vue de préparer l’audience et sa défense, et doit obtenir l’intégralité de la procédure, c’est-à-dire :
-les actes d’enquêtes,
-les éventuelles annexes.
Pour exemple, si la procédure comporte un CD avec les vidéosurveillances sur lesquelles se sont fondés les enquêteurs, le prévenu doit pouvoir en obtenir une copie.
La question se pose de connaitre les conséquences d’un défaut d’accès à ces pièces.
- Le défaut d’accès à l’intégralité de la procédure entraine la nullité de ladite procédure
La jurisprudence a précisé les conséquences d’un défaut d’accès à l’intégralité de la procédure, à savoir la nullité de la procédure.
En effet, par deux arrêts de 1996, la Cour de cassation a pris pour fondement de ses décisions le principe suivant :
« Qu’il s’ensuit que toute personne ayant la qualité de prévenu ou d’accusé est en droit d’obtenir, en vertu de l’article 6, § 3, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, non pas la communication directe des pièces de la procédure, mais la délivrance, à ses frais, le cas échéant par l’intermédiaire de son avocat, de la copie des pièces du dossier soumis à la juridiction devant laquelle elle est appelée à comparaître ».
La Cour juge dès lors que les exceptions de nullité de la procédure fondées sur le défaut de communication des pièces du dossier doivent être accueillies :
« Mais attendu qu’en prononçant ainsi, et alors que les dispositions réglementaires de l’article R. 155.2°, du Code de procédure pénale, soumettant à autorisation du ministère public la délivrance aux parties de copie de pièces de la procédure, ne sauraient faire obstacle aux droits de la défense, la cour d’appel a méconnu les textes et principes ci-dessus rappelés »
(Cass.crim., 12 juin 1996, n°95-82.735) ; (Cass.crim., 2 octobre 1996, n°95-82.290).
Cette jurisprudence a été réitérée le 6 janvier 2010 :
« Mais attendu qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le prévenu avait pu obtenir la copie de l’intégralité des pièces du dossier soumis à la juridiction du second degré, et notamment de celles au vu desquelles le ministère public avait conclu à l’irrecevabilité de l’opposition, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision » (Cass.crim., 6 janvier 2010, n°09-83.897).
Il convient dès lors, en cas de défaut de transmission de la copie de l’intégralité de la procédure qui a été sollicitée, de soulever une exception de nullité sur le fondement de ces principes.
Les termes « intégralité » n’est pas anodin et incite à notre sens à une application littérale de cette règle issue de la jurisprudence.