LEGITIME DEFENSE / Proportionnalité de la défense

LEGITIME DEFENSE / Proportionnalité de la défense

POUR SAVOIR SI LA LEGITIME DEFENSE EST PROPORTIONNEE, IL FAUT ETUDIER LE MOYEN DE LA RIPOSTE ET NON LE RESULTAT

Cass.crim., 17 janvier 2017, n°15-86.481

 

  1. Définition de la légitime défense

La légitime est définie par le Code pénal comme suit (article 122-5) :

« N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte.

N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction ».

La légitime défense représente donc une réponse à une atteinte injustifiée aux personnes ou aux biens, réponse qui, en d’autres circonstances, constituerait une infraction condamnable pénalement.

 

Afin de bénéficier de ce fait justificatif de légitime défense et éviter une condamnation, il convient de répondre à plusieurs critères :

-Il faut tout d’abord constater une « attaque injustifiée » sur une personne : dès lors, une personne faisant l’objet d’une agression peut se défendre par la force,

-Cette « attaque injustifiée » doit être réelle : l’attaque doit avoir lieu, être présente et ne pas être hypothétique. La jurisprudence rejette donc les cas de défense à titre préventif (Paris, 26 octobre 1999 ; BICC 2000. 358).

-la réponse doit être accomplie dans le « même temps », c’est-à-dire être immédiate à l’attaque : la légitime défense ne saurait être retenue si la réponse n’a pas été immédiate après l’attaque (Cass. crim., 16 octobre 1979 : D. 1980. IR 522, obs. Puech ; Cass.crim., 17 janvier 2017, n°15-86.481),

-elle doit répondre à la « nécessité de la légitime défense » : la personne attaquée doit se trouver dans une situation où elle n’a pas d’autre choix que de répondre par la force (Cass.crim., 24 février 2015, n°14-80.222),

-enfin, la réponse doit être proportionnée à l’attaque.

 

Cette réponse peut intervenir face à une attaque envers soi-même ou envers autrui.

 

Ces critères s’appliquent également en cas d’attaque faite aux biens, précision faite par le Code pénal que l’homicide volontaire ne peut jamais être justifié par le crime ou le délit commis contre les biens.

 

  1. Critère de proportionnalité de la défense

Le critère de la proportionnalité de la réponse à une attaque injustifiée est le plus difficile à démontrer.

La jurisprudence exige en effet que la réponse à l’attaque ne soit pas d’une violence trop importante par rapport à la gravité de l’attaque (Cass.crim., 24 février 2015, n°14-80.222).

A titre d’exemple, un homicide volontaire ne pourra jamais être justifié par l’attaque injustifiée constituée d’une gifle.

A ce titre, la Cour de cassation a précisé que ce critère de proportionnalité était étudié par rapport au moyen utilisé pour répondre et non par rapport au résultat (Cass.crim., 17 janvier 2017, n°15-86.481).

En l’espèce, lors d’une dispute suite à un accident matériel, deux automobilistes en venaient aux mains.

Le conducteur agressé tentait de fuir la scène, puis étant empêché de fuir, il se courbait pour parer aux coups du conducteur agresseur. Il se défendait en lançant sa main vers l’agresseur.

Le conducteur agresseur chutait au sol et devenait paraplégique.

Les magistrats ont reconnu l’état de légitime défense, au motif que le moyen utilisé pour se défendre, à savoir le fait de lancer sa main vers l’agresseur, était proportionné à l’attaque subie, et ce peu importe les conséquences finales sur l’agresseur. Les magistrats notaient qu’il était impossible d’assurer que la chute avait été provoquée par le coup (s’il avait effectivement touché l’agresseur) ou par la perte d’équilibre de l’agresseur en tentant d’éviter le coup.

Le conducteur agressé avait été contraint de se défendre.

La Cour de cassation complétait cette analyse en précisant que seule la proportion de la réponse doit être considérée, peu importe le résultat de cette réponse.

 

Dès lors, comme dans le cas d’espèce, il ne saurait être reproché à un individu d’avoir provoqué de graves conséquences si cet individu n’a fait que répondre de manière proportionnée à une attaque qu’elle subissait.

 

  1. Actualités récentes

La question de la légitime défense fait très souvent l’objet de questions, tant le critère de proportionnalité est important.

Pour exemple, une femme s’est vue reconnaitre l’état de légitime défense, pour avoir tué son compagnon avec un coup de couteau dans le cœur. Les magistrats ont retenu que son compagnon, sous l’emprise d’alcool, s’était jeté sur elle et tentait de l’étrangler (https://www.sudouest.fr/faits-divers/pas-de-calais-une-femme-acquittee-du-meurtre-de-son-conjoint-la-legitime-defense-retenue-18098147.php).

 

De la même façon, l’état de légitime défense a été reconnu concernant un homme qui a tiré sur son neveu. Ce dernier était alcoolisé, s’était rendu chez son oncle en scooter dans la nuit, sans s’annoncer. Il entrait dans le jardin de son oncle, puis brisait une vitre et pénétrait dans le logement à 2H du matin, où se trouvaient la femme et la fille de son oncle. Son oncle lui tirait dessus. La Chambre de l’instruction a prononcé le non-lieu à poursuivre ce dernier (https://actu.fr/hauts-de-france/buigny-l-abbe_80147/homicide-pres-dabbeville-legitime-defense-tireur-reconnue_30665276.html).

 

Au contraire, l’état de légitime défense n’a pas été retenu pour un jeune homme ayant arraché l’oreille d’un autre individu. Alors qu’ils étaient alcoolisés, ils se battaient sur le parking d’une discothèque. Le premier donnait des coups de poing au second, ce dernier lui faisait alors une clé de bras et lui mordait l’oreille au point de l’arracher. Il était condamné à la peine de 8 mois d’emprisonnement ferme aménagée sous bracelet électronique et 8 mois d’emprisonnement avec sursis probatoire (https://actu.fr/bretagne/saint-malo_35288/il-lui-arrache-une-oreille-en-sortant-de-discotheque-a-saint-malo-et-plaide-la-legitime-defense_60959883.html).

 

De la même façon, l’état de légitime défense a été refusé dans le cadre d’une attaque à la bombe lacrymogène. Un individu était assis sur un banc, son vélo adossé au banc. Une personne qu’il ne connaissait pas l’abordait, faisait mine de le connaitre et lui demandait de lui rembourser la somme de 15 euros. Face au refus de rembourser cette somme, le passant lui saisissait la manche et faisait mine de partir avec son vélo. Le premier sortait une bombe lacrymogène, le second s’approchait de lui avec un air qu’il trouvait menaçant. Le premier l’attaquait alors avec la bombe lacrymogène. Il était condamné à suivre un stage de citoyenneté (https://www.lamanchelibre.fr/actualite-1097790-coutances-il-craint-une-agression-et-se-defend-la-legitime-defense-refusee).