PROCEDURE PENALE / La mise en place d’un système de captation d’image et de son

PROCEDURE PENALE / La mise en place d’un système de captation d’image et de son

Cass. Crim., 27 mai 2009, n°09-82.115

La mise en place d’un dispositif de captation d’image et de son à l’insu d’un individu est prévu à l’article 706-96 du Code de procédure pénal :

« Il peut être recouru à la mise en place d’un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l’image d’une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé. »

Ce dispositif était pendant très longtemps entre les mains exclusives du juge d’instruction lors de l’instruction mais face à une criminalité de plus en plus organisée, on a octroyé de plus en plus de pouvoir au procureur de la République dans le cadre de l’enquête.

S’agissant des faits, un individu a été mis en examen pour recel de véhicules volés et de falsification de leur immatriculation. Lors de l’enquête préliminaire, les enquêteurs ont mis en place un dispositif de captation d’image dans l’allée centrale d’un parking d’une copropriété dont l’accès nécessite l’usage d’une télécommande.

Le mis en examen a saisi la Chambre de l’instruction et a une soulevé une nullité. En effet, il demande l’annulation d’actes de la procédure et en particulier la captation des vidéo-surveillances, en faisant valoir qu’elles n’avaient pas été autorisée par un juge et qu’elles avaient été effectuées dans un lieu privé à usage d’habitation, inaccessible à des vues extérieures et clos, l’usage d’une clef étant nécessaire pour y entrer.

La chambre de l’instruction déboute le mis en examen, et déclare que l’installation du dispositif de captation d’image dans l’allée centrale du parking d’une copropriété est valable. En effet, La chambre de l’instruction considère que le parking relève des parties communes de la copropriété, l’accord du syndic de copropriété suffit, sans qu’il n’y ait lieu à demander l’autorisation à un juge.

De plus, le parking n’étant pas un lieu privé, le mis en examen n’étant titulaire d’aucun droit, n’a pas la qualité de contester la mise en place de ce dispositif sur le fondement du respect à la vie privée.

Un pourvoi en cassation est formé.

L’autorisation du syndic de copropriété de procéder à un dispositif de captation de vidéo-surveillance dans les parties communes, enlève-t-elle l’obligation de demander l’autorisation à un juge ?

Dans son arrêt du 9 mai 2009, la Chambre Criminelle de la Cour de cassation a considéré que les parties communes d’une copropriété étaient un lieu privé, de ce fait les enquêteurs auraient dû demander l’autorisation à un juge.

Cet arrêt nous apprend deux choses, en premiers lieu que lors de la phase d’enquête les policiers ne peuvent pas mettre en place un dispositif de captation d’image et de son sans autorisation préalable. En deuxième lieu, que les parties communes d’une copropriété sont des lieux privés, et que même avec l’accord du syndic, il faut demander l’autorisation à un juge.

 

I/ Les autorités compétentes pour la captation d’image et de son

1.Un dispositif ouvert uniquement à l’instruction

La loi n°2004-2049 du 9 mars 2004, a prévu un dispositif pour lutter contre la criminalité organisée, avec la possibilité de mettre en place une installation de captation du son et des images. Ce dispositif est introduit à l’article 706-96 du Code de procédure pénal.

L’utilisation de ce dispositif est autorisée qu’au cours d’une information judiciaire, sous le contrôle du juge d’instruction, et uniquement pour les infractions énumérées par l’article 706-73 du code de procédure pénale. Par le biais d’une commission rogatoire et après avis du procureur de la République, il ordonne aux officiers et agents de police judiciaire de mettre en place le dispositif de captation des images et du son, sans le consentement des intéressés.

C’est un dispositif attentatoire à la vie privée, en effet, face au développement des moyens technologique d’investigation, les parties invoquent de plus en plus des demandes d’annulation de pièce pour violation de l’intimité de la vie privée.

De ce fait, l’application de ce dispositif n’est possible que pour les infractions les plus graves, tel que le terrorisme ou les infractions liées au crime organisé (Crime de meurtre commis en bande organisé, Crime de tortures et d’actes de barbarie commis en bande organisée, Crimes et délits de trafic de stupéfiant, Crime de vol commis en bande organisée).

Cette intrusion dans la vie privée des individus, justifiait leur exclusivité entre les mains du juge d’instruction. Assurément, la mis en place de ce dispositif ne pouvait avoir lieu lors de l’enquête, que se soit de flagrance ou préliminaire. La Chambre Criminelle de la Cour de cassation la rappeler plusieurs fois :

« Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que constitue une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile le fait, pour des enquêteurs, de photographier […], les plaques d’immatriculation des véhicules se trouvant à l’intérieur d’une propriété privée non visible de la voie publique […], immixtion, opérée en enquête préliminaire, n’est prévue par aucune disposition de procédure pénale, »

(Cass. Crim., 27 mars 2007, n°06-89.444)

 

« Mais attendu qu’en prononçant ainsi, par des motifs inopérants, alors que, les parties communes d’une copropriété constituant un lieu privé, les opérations de captation et de fixation d’images effectuées en l’espèce ne répondaient pas aux conditions de l’article 706-96 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ; »

(Cass. Crim., 27 mai 2009, n°09-82.115)

 

Cependant, l’interdiction prononcée par la Chambre criminelle de procéder à un dispositif de captation d’image et de son lors de la phase d’enquête disparaitra par le biais d’une loi du 3 juin 2016 qui a pour but de renforcer les moyens de lutte contre la criminalité organisée.

 

2.L’élargissement de la mise en place du dispositif lors de l’enquête

Cette loi n°2016-731 du 3 juin 2016 est d’une grande importance concernant l’évolution, de la pratique, puisqu’elle offre la possibilité aux enquêteurs par le biais du Procureur de la République de mettre en place le dispositif de captation d’image et de son lors de l’enquête, tant en flagrance ou en préliminaire. C’est le juge des libertés et de détention qui autorise ces opérations à la requête du procureur de la République pour une durée maximale d’un mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions.

L’article 706-96-1 u Code de procédure pénal dispose que :

« Au cours de l’enquête, en vue de mettre en place le dispositif technique mentionné à l’article 706-96, le juge des libertés et de la détention peut autoriser l’introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l’article 59, à l’insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l’occupant des lieux ou de toute personne titulaire d’un droit sur ceux-ci. Ces opérations, qui ne peuvent avoir d’autre fin que la mise en place du dispositif technique, sont effectuées sous son contrôle. Le présent alinéa s’applique également aux opérations ayant pour objet la désinstallation du dispositif technique ayant été mis en place. »

 

 II/ Les lieux appropriés à la mise en place de la captation du son et de l’image

1. Les lieux publics

L’article 230-47 du Code de procédure pénal prévoit qu’il est possible lors de l’enquête ou de l’instruction de procéder à un dispositif de captation de l’image dans un lieu public, sans qu’il y ait une autorisation de la part du juge des libertés et de détention.

En revanche, cette mesure doit être décider par le Procureur de la République. En effet, la Cour de cassation a considéré qu’il ressort du pouvoir d’enquête du parquet reconnu par les articles 39-3 et 41 du code de procédure pénale la possibilité d’utiliser le dispositif de captation d’images sur la voie publique à la condition que cette mesure ait été décidée par lui et non par les enquêteurs (Crim. 8 déc. 2020, n° 20-83.885).

 

2. Les lieux privés

Comme sous-entendu dans l’arrêt du 27 mars 2009, lorsque nous sommes dans un lieu privé, la captation d’image doit être autorisé par un juge. Même lorsqu’il s’agit des parties communes d’une copropriété et même que le syndic soit d’accord.

Attention, lorsque le dispositif de vidéosurveillance est installé par le propriétaire dans les parties communes de son immeuble. Cela échappe aux prévisions de l’articles 706-96. Dès lors l’exploitation des images de vidéosurveillance est régulière de la part des policiers (Crim. 6 mars 2013, no 12-87.810).