03 Fév JUGE D’INSTRUCTION / Les pouvoirs du juge en matière d’enregistrement des interrogatoires
Un juge d’instruction ne peut recommencer un interrogatoire en raison d’un défaut d’enregistrement sans empiéter sur les pouvoirs de la chambre de l’instruction (Cass. crim, 19 sept. 2017, n°17-81.016)
En l’espèce, une information judiciaire a été ouverte à l’encontre d’un individu après la découverte de 900 pieds de cannabis. Le juge d’instruction a procédé à un interrogatoire de première comparution. Constatant que celui-ci n’avait pas été enregistré alors que des faits criminels avaient été notifiés, le magistrat instructeur a procédé à un nouvel interrogatoire de première comparution. Le mis en examen a donc formé une requête en annulation des actes de la procédure.
En matière criminelle, en vertu de l’article 116-1 du Code de procédure pénale, il est obligatoire de procéder à un enregistrement audiovisuel des interrogatoires réalisés dans le cabinet du juge d’instruction, y compris l’interrogatoire de première comparution des personnes mis en examen.
La Cour de cassation s’est prononcée à plusieurs reprises sur les conséquences du défaut d’un tel enregistrement. Tout d’abord, cette obligation destinée à préserver les droits du mis en examen en permettant notamment de vérifier ce qu’il aurait pu dire au cours de cet interrogatoire a une importance particulière. En effet, pour obtenir l’annulation d’un acte, le non-respect de la formalité légale ne suffit pas. Il est nécessaire de démontrer l’existence d’un grief causé à l’intéressé. Or, pour le non-respect de cet enregistrement audiovisuel, la Cour de cassation a précisé qu’il « porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ». Le mis en cause n’a donc pas besoin de démontrer l’existence d’un grief, celui-ci est présumé et ceux, même s’il a fait usage du droit de se taire (Cass. crim 3 mars 2010 n°09-87.924 ; 22 juin 2016 n° 15-87.752).
Ensuite, dans le cadre d’une information judiciaire, seule la chambre de l’instruction est compétente pour recevoir et déclarer un acte nul.
La question qui se posait était donc celle de savoir si le juge d’instruction pouvait réaliser un second interrogatoire de première comparution pour se conformer à cette obligation légale ou ce second enregistrement reviendrait à déclarer le premier acte nul sans aucune décision de la chambre de l’instruction ?
La Cour de cassation s’est prononcée en considérant que « le juge d’instruction ne saurait, sans excès de pouvoir, recommencer un interrogatoire de première comparution qu’il estime entaché d’irrégularité ; qu’en procédant ainsi, il empiète sur les attributions de la chambre de l’instruction, seule compétente, pendant l’information judiciaire, pour en apprécier la régularité, sous le contrôle de la Cour de cassation ».
Ainsi, même si le juge d’instruction s’est aperçu après avoir réalisé cet interrogatoire que celui-ci était irrégulier, il ne pouvait procéder à un second interrogatoire destiné à se substituer au premier sans qu’une décision de la chambre de l’instruction ait déclaré cet acte nul.